Chaque mois, Paris Match et Waww La Table convient artistes et personnalités à se retrouver autour d’un grand chef afin de célébrer le repas gastronomique des Français, inscrit au patrimoine culturel de l’humanité par l’Unesco.
Une porte cochère de couleur sombre s’ouvre, ce jeudi soir du 21 octobre, sur le lieu secret : un hôtel particulier 19ème siècle, au cœur du 7ème arrondissement de Paris, quartier des ministères. Il aurait appartenu autrefois à une grande famille d’industriels, on n’en saura pas plus. L’hôte, anonyme et discret, a abandonné ce lieu fou pour un soir à ses amies Arabelle Reille et Peri Cochin, conceptrices de « Waww La Table ».
Une odeur de fleurs se répand déjà au pied de l’escalier magistral en pierre de taille qu’une moquette camouflage aux tons pastel réchauffe. Rien du décor, mélange de meubles rares, d’objets ethniques et d’autres plus simples, chinés que lui confèrent une âme ne peut laisser indifférent. Dans le jardin d’hiver, aux murs vert d’eau et au plafond en miroir, une immense table rectangulaire, habillée sur toute sa longueur d’un chemin de fleur inouï imaginé par le fleuriste Oz garden, attend les convives.
En son centre, posée sur un parterre de mousse, toutes sortes de fleurs, laissent émerger des barbotines anciennes, choisies une à une, et empruntées à la galerie Vauclair, spécialiste de céramiques et rotins si typiques du 19ème siècle. Le décor enchanteur, conçu par Cyril Karaoglan, a nécessité trois heures de mise en place. Assureur en art, curateur à ses heures, - c’est lui qui a organisé l’an dernier à Beyrouth la première exposition Picasso-, de Saint Tropez à Gstaadt, il est aussi réputé pour ses extravagantes réceptions. « Pour dresser une jolie table, dit-il, il ne faut pas nécessairement beaucoup de moyens, le secret pour la rendre vivante, c’est d’y disposer systématiquement quelques bougies, et des fleurs… » Dans la cuisine voisine, tablier noir sur veste d’un blanc aussi éclatant que son sourire, le chef étoilé, Akrame Benallal, donne ses dernières consignes à son chef principal, David Mantilla.
Le chef teste quelques recettes peaufinées au temps d’un confinement
Après un an de fermeture, son restaurant gastronomique de la rue Tronchet rouvre enfin. Il teste ce soir quelques recettes peaufinées au temps d’un confinement qui, dit-il, lui a offert le luxe de se réinventer, de, créer, lui qui n’aime rien tant que de partir d’une feuille blanche. Désigné pour nourrir les athlètes olympiques des Jeux de Paris 2024, immense défi qui l’amuse, il se réjouit tout autant de ce diner intime d’un soir. « Les restaurants, confie-t-il, devraient tous ressembler à cela : un décor unique et changeant, pour une expérience culinaire chaque fois différente, j’adore cette idée. »
Tandis que Sarah Bodianu, sa sommelière, sert dans le grand salon blanc un champagne Moët-Hennessy aux bulles aussi légères que les conversations, le designer Olivier Gagnère raconte à Cristina Cordula et Aurélie Bidermann, comment il a mis à profit la période où tout était à l’arrêt pour faire l’inventaire de son atelier. Bientôt la galerie Kréo présentera enfin des lampes conçus bien avant que le Covid n’embrase la planète. Et sur le site de Waww La Table on pourra se procurer ses « collabs » : un chandelier réversible, et une coupe. Celles d’Aurélie Bidermann sont déjà en ligne. Elle a veillé sur ces sets de table et serviettes brodés mains comme le chef sur ses feux. Avec son voisin de table, l’homme d’affaire Jean-Marc Israël, Claire Chazal s’attarde sur le tableau étonnant d’une femme sans visage. L’ère du JT, dit-elle, est définitivement révolue. C’est à présent de culture, plutôt que de news, qu’elle se rassasie.
L’œuf noir d’Akrame, habillé de charbon fumé, et accompagné de cèpes, est un instant magique. Silence autour de la table. Le Saint Pierre qui suit, cuit dans des algues humides, et relevé par un mélange d’épices retravaillé, une merveille. Dans sa robe de dentelle rouge, à peine son dessert avalé, Jamie McCourt, ex-ambassadrice des Etats-Unis en France au temps de Trump qui l’a nommée, s’excuse de devoir filer à l’anglaise : demain son réveil sonnera à 5 heures. Avocate et femme d’affaire, restée attachée à notre pays, et davantage encore à son art culinaire, elle salut chaleureusement le chef : « Tu te souviens, quand je venais dîner seule à ton restaurant, escortée par de gentils gardes du corps…Et bien je reviendrais, mais sans eux. » Akrame la dit « incollable » sur nos grands crus. Et on apprend au passage que cette brindille blonde perchée sur stiletto est l’auteur d’un livre de cuisine dédié à ses enfants : « Cooking in a crowded life » : « cuisiner dans une vie débordée. » Arrivée au bras de Nicolas Escoulan, l’ancien porte-parole du gouvernement, à présent directeur général adjoint et associé du cabinet de conseil en communication Taddeo, Claire Chazal s’esquive tandis que d’autres montent prolonger au salon la joie de festivités trop longtemps interdites. « Rendre l’éphémère inoubliable », la devise d’Akrame Benallal, n’a jamais semblé si juste.
Caroline Mangez